Lire Bernard Friot
Bernard Friot écrit des livres fondamentaux, qui méritent d’être lus plus largement. En librairie, c’est son homonyme auteur de livres pour la jeunesse que l’on trouve plus facilement. Pourquoi cette situation ?
Friot, pourquoi est-il important ?
Sans être spécialistes de sciences économiques ou de gestion, toutes les discussions politiques nous amènent à aborder la question du chômage et de son indemnisation, le pouvoir d’achat, mais aussi l’âge et le niveau des retraites, ou encore le devenir des hôpitaux et des écoles.
De mon expérience, les conversations sont du type :
- les retraites, les services publics … diminuent en montant et en qualité, gouvernement après gouvernement, réforme après réforme. Il faut les relever !
- oui, mais ca coûte cher. Pour les payer on devrait augmenter les impôts, ou les charges des entreprises, ou alors on laisse la dette publique à nos enfants
- donc réclamer de meilleurs services est utopique ou irresponsable - au choix.
La conversation mériterait de ne pas en rester là. Comment sont financés ces fameux services publics ? Si on le comprend mieux, on peut alors être plus précis sur les constats (manque-t-on d’argent pour les financer ?) et sur les solutions (qu’est-ce qu’un financement juste et efficace ?).
Bernard Friot, et c’est là son importance, a étudié ces sujets (avec d’autres bien sûr) et a écrit de nombreux livres pour présenter ses recherches.
Il fait un travail de fourmi, à commencer par celui de retrouver une précision du vocabulaire. Par exemple, il parle de “salaire direct” plutôt que “salaire net”, pour souligner qu’il existe aussi un salaire indirect, qui est celui des prestations que nous recevons (allocs familiales, retraites, remboursements de soins, etc.) financées par les cotisations sociales.
Le second apport de son travail est la perspective historique. On a des souvenirs (de nos manuels scolaires, de nos parents ou autre) que l’histoire des services publics est intimement liée à l’histoire sociale et politique. Par exemple, la sécurité sociale est instituée en 1945 par le gouvernement du Général de Gaulle dans la lignée directe des travaux du Conseil national de la Résistance. Mais pourquoi ? C’est quand même intriguant de se dire que dans un pays exangue à la sortie de la guerre (avec les tickets de rationnement etc !), on décide de mettre en place de nouvelles prestations pour toute la population ! Pourquoi donc, mais aussi : comment ont-ils fait ?
Et pour finir (pour ce post de blog au moins…), les travaux de Friot ont une envergure internationale. J’avais appris la différence entre le système de sécurité sociale anglais “beveridgien” et le système français issu de la logique “bismarckienne”. L’un financé par l’impôt, l’autre par les revenus du travail. D’accord, mais qu’est-ce que ca change ? Il y a des questions d’assiette et autres effets, bien sûr, mais quelle est la différence fondamentale qui justifie qu’on prenne la peine de distinguer deux systèmes ? Là, je sèche… Friot détaille très bien les implications - je ne spoile pas, j’écrirai un post dessus.
Mais Friot, c’est dur à lire …
Les recherches de Friot sont universitaires, et se sont étalées sur des dizaines d’années. Le sujet (la sécurité sociale dans tous ses états) est très touffu avec de nombreux acronymes, concepts, législations, organisations et événements marquants à retenir, plus toutes les références en philosophie politique. On peut donc s’y perdre.
Solutions pour lire Friot
Conscient de ce souci, Friot a publié des transcriptions de longs entretiens qui sont plus éclairants. Il y a :
Et aussi cette conférence gesticulée:
Ma propre tentative
Pour comprendre, questionner et utiliser ce que j’apprends à la lecture de Friot, je vais avoir besoin de prendre des notes. Mon intention est d’utiliser ce blog pour m’inciter à mettre ces notes au propre. En espérant que cela rende ses travaux plus accessibles à tous et toutes.
Le livre que je vais lire est “Puissances du salariat”, qui est une adaptation augmentée parue en 2012 de sa thèse, elle-même publiée en 1998 :
